Il était une fois, dans une époque où les toges et les sandales étaient à la mode, un notable local du nom de Lucius Donnius Flavus. Lucius était un homme de goût et de grandeur, et il avait une idée grandiose : construire un pont qui ferait parler de lui pendant des millénaires. Ainsi, vers 10 avant J.-C., le Pont Flavien vit le jour au-dessus de la Touloubre, tel un joyau architectural sur la voie romaine reliant Marseille à Arles.
Ce pont, long de 22 mètres et large de 6, n’était pas seulement une prouesse d’ingénierie, mais aussi un témoignage de la générosité posthume de Lucius. Sur les faces externes des arcs, on pouvait lire fièrement : « Lucius Donnius Flavus, fils de Caius, flamine de Rome et d’Auguste, a ordonné par testament de bâtir ce monument sous la direction de Caius Donnius Vena et de Caius Attius Rufus ». Quelle modestie, n’est-ce pas ?
Le Pont Flavien, avec ses arcs majestueux, traversa les siècles avec un aplomb impressionnant. Utilisé intensivement pendant près de 20 siècles, il vit passer des légions romaines, des charrettes médiévales, et même quelques chevaux un peu trop enthousiastes. Cependant, le pauvre pont ne reçut que peu de soins. Vers le XVIIe siècle, les Compagnons du tour de France s’autorisèrent même à y laisser leur marque. Ils gravèrent leurs noms, surnoms, et divers symboles sur les piliers. Oui, même un phallus, car pourquoi pas ? De nos jours, on appellerai cela « se faire taguer »
Le dallage antique disparut peu à peu, laissant les véhicules rouler directement sur la voûte. Les ornières creusées par des siècles de passage sont encore visibles aujourd’hui, témoignant d’une époque où les routes bien que plus solides, n’étaient pas mieux entretenues qu’elles le sont maintenant.
Heureusement, face à un effondrement imminent, un certain consul nommé Surian prit l’initiative de restaurer le pont au XVIIe siècle. En son honneur, le pont fut aussi appelé pont Surian. Mais le destin avait encore quelques épreuves en réserve pour notre vieux pont. En 1944, l’arche nord fut endommagée par un camion américain, car même les héros de guerre peuvent être maladroits.
Un pont provisoire, surnommé « pont américain », fut construit à côté et utilisé jusqu’à ce que le pont routier actuel soit achevé en 1955. C’était le début de la retraite bien méritée du Pont Flavien, qui, après des siècles de service loyal, pouvait enfin se reposer.
Aujourd’hui, le Pont Flavien est toujours là, fièrement debout, témoin silencieux de l’histoire, prouvant que même les constructions les plus anciennes peuvent résister au temps, aux guerres et aux camions américains.